. . . EMPREINTES . . .

Françoise Gérardin

Carnaval canario (1965)

81cm. X 65cm. Huile sur médium

Un tableau bien discret, figuratif, coloré, équilibré, signé.

Au premier plan, dans un accoutrement fantomatique qui, par sa disposition forme une phrase picturale mise entre parenthèses, quatre personnages, chapeautés de capirotes branlants, gesticulent devant le flou d’un attroupement agité.

La couleur employée, digne des terres cuites civilisatrices, étale vivement et à grands coups de couteau, les tonalités rouges vermillon, enrobées des gammes de terres de Sienne et bruns de bures élimées que tranche, en dansant, l’épaisseur de deux formes blanches aux contours noircis par un énergique pinceau. Des éclairs de serpentins grisâtres et bleutés encombrent les ombres de groupes enfumés. Il est possible que cette esquisse, au souffle contenu, représente le creuset d’où jaillira la source des expressions innovantes chères à Fausto...

Jusqu’à présent le déroulement des études, les progrès indéniables et les résultats de nombreux travaux effectués, soit aux Beaux- Arts (annotations enviables, prix d’excellence) soit en dehors (portraits et natures mortes) semblent assurer un brillant avenir à ce jeune Aspirant en dernière session de Préparation Militaire Supérieure qu’il achèvera d’ailleurs au printemps de cette année, aux Iles Canaries.

Or, le régime franquiste permet aux Iles Canaries de fêter le Carnaval alors que toutes manifestations carnavalesques sont interdites dans le reste des régions d’Espagne.

Choc visuel. Surprises émotionnelles. Sens débridés en plus des Whisky et tabac fort bon marché. Mascarades en mouvement. Dès l’enfance, lorsqu’il participait aux représentations de ses amis plus âgés, les clowns Poyatos et Vica qui égayaient la misère citadine du Jaén d’après guerre, ou qu’il forçait l’entrée carminée des cirques de passage, Fausto raffole des images chatoyantes ; il trouve donc ici, à vingt-cinq ans, une éclatante animation et de quoi renouveler ses désirs de gamin.

Devant les scènes débridées que provoque l’hilarité populaire, quoi de plus naturel en effet que de sauter sur les pinceaux et les tubes de peinture, de plonger dans ce monde ahurissant et déchainé, de masques, de déguisements, de révélations insoupçonnées, de musique tambourinées, de rires grotesques et éhontés…

Ce tableau aux allures imprécises, annonce timidement les prémisses d’un langage nouveau, un alphabet personnel d’où s’extirpe une écriture assez variée et généreuse pour, en se modelant au cours des années, épanouir les figurations à venir.

Il est d’ailleurs émouvant de poser côte à côte ce Carnaval Canario avec une des dernières œuvres que Fausto ait réalisées, une scène de Carnavals de Cadix, La Bruja Piti 1994. Ce qui est perceptible mise à part la fidélité à son propre destin, c’est la sincérité première où tout est dit en une parenthèse, et l’éclosion dernière où tout jaillit en une étincelle.


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