Evocations... Mon mari, Fausto Olivares, peintre.


Françoise Gérardin
Chapitre 0 : 2010

Avant-propos

Quelques semaines avant de mourir Fausto se rend à Grenade y entendre l'ultime verdict du chirurgien qui l'a opéré un mois auparavant. Le visage encore bien amoché mais l'allure crâne, un foulard lui cachant les cicatrices d'une inutile trachéotomie, il se montre aussi volubile que d'habitude lorsqu'il est en voyage. Discussion à bâtons rompus. Puis, brusquement, il dévoile des états d'âme abrupts qu'avec effort, il ornemente d'espoir. Vers le hameau de Santa Lucía, surplombant la route, les rochers piqués de primevères en bouquets, défilent :  C'est seulement maintenant, tout près de la mort que j'apprécie la beauté de la campagne au printemps… 
S'ensuivent des grâces envers Dieu qui lui a permis de vivre intensément sans avoir eu à accomplir de trop mauvaises actions…

Au cours de la conversation déviant alors sur un sujet social, d'injustice flagrante, grésillé à la radio, il sursaute dans un mouvement inopiné de révolte convulsive, peu ressemblant à son naturel modéré:  C'est ça, on demande de la justice, on la sollicite, on l'exige, alors qu'on est incapable de faire seulement preuve de bonté… moi qui ai la conviction d'avoir vécu au moins sept vies, je n'y arrive pas encore.
Avoir vécu au moins sept vies … et pourtant rien d'exceptionnel n'apparaît dans cette courte existence, guidée par le travail et le désir de progrès qui ont caractérisé l'Espagne de l'après guerre civile.

Certaines évocations, bribes par bribes, devraient essayer d'éclaircir la troublante sensation de multiplicité consommée qu'éprouvait Fausto en voyage vers sa disparition.


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