Evocations... Mon mari, Fausto Olivares, peintre.


Françoise Gérardin
Chapitre 28 : 1978~1981

Adéquation et progression

Les désagréments d’une situation de surmenage, compromise quelquefois par l’apparente innocuité d’un entourage friand de rumeurs et disposé à bénéficier de faveurs indues, soulignent en rouge les frontières de la décence derrière laquelle se rétracte Fausto.
Ses habitudes foncières n’en seront pas pour autant bouleversées bien que les vacances, au cours de l’année, semblent se comprimer ; l’attention et les projets dédiés à l’école, dans les moindres détails d’emplois du temps, empiètent exagérément sur tous les terrains, ceux de la peinture et de la vie de famille en particulier. La scolarité de ses trois fils, leur passage en cours supérieur ou au lycée, leur voyage en Angleterre, leurs amitiés ou un concours de chant gagné par la chorale de leur collège Ruiz GiménezCollège de leur quartier de la Magdelana, ainsi que les échanges amicaux, fraternels et conjugaux, enfin toute référence personnelle est nivelée aux normes de la marche des Arts et Métiers !
De fait, Fausto intercale ses occupations filiales et paternelles, amicales et artistiques entre les interventions familières à l’école et les rénovations qu’il tient à y instaurer.
Les vacances ont beau se dérouler dans une ambiance enjouée, avec parties de photos théâtralisées, matches de foot vociférés, films retransmis à la télévision, virées aux Sainte-Maries de la Mer ou à Cassis avec les cousins, assistance aux Chorégies d’Orange, Parsifal, La Flûte enchantée, en compagnie de frères et de sœurs, Paco, Corinne, Toutoune, Dolfo, Phanou, Pat…, lui, directeur en villégiature, assume, malgré la distance, ses responsabilités contractuelles en agissant pour elles presque sans discontinuité. 

Son souci primordial concerne la planification d’une concordance précise reliant l’apprentissage des métiers artistiques aux besoins réels de l’emploi et qui passerait par une formation complète, par des cours théoriques et des leçons pratiques. Sans délaisser l’ Ancien Plan d’études purement artistiques ; l’exposition inédite des travaux d’élèves de l’école, présentée dans la Salle d’Art de la banque Caja de Granada, démontrait dernièrement l’utilité et la valeur d’une telle initiative. Pour mettre en place une coordination synchronisée Fausto organisera, depuis l’atelier français de Buis-lès-Baronnies, ses principales stratégies, telles que la mise au point des horaires de chacun des professeurs, ainsi que les ponctuations théoriques correspondant à chaque cours de pratique.

Il analyse les propositions ministérielles, suggérées par l’Inspecteur national des Ecoles des Arts et Métiers, Antonio Zarco (compagnon du concours 1970) dont il partage les opinions au sujet de la survie de ces Centres, si riches en histoire participative et en idéal progressiste.
Puis, pendant que ses enfants s’amusent à la piscine ou courent après les papillons sur les rives de l’Ouvèze, Fausto, à l’ombre de la télévision allumée (l’appartement de Buis est doté d’un bel appareil Telefunken) se met à trier les gribouillages qu’il accumule. Il recopie les listes de noms et de chiffres qui bousculent en désordre les nuits éveillées de son chevalet grinçant.

Sur de grandes feuilles, soigneusement coloriées, des colonnes s’inscrivent, se croisent, se séparent ou se découpent, simplifiant des tableaux d’emplois du temps. Faciliter la rentrée scolaire est le but de ces extravagances estivales. L’ascèse paraît plus désuète que valorisante aux yeux ironiques des familiers en visite passagère. Mais Fausto, si doué pour les sarcasmes impromptus, se contente de sourire à la LenniePersonnage de « des souris et des hommes » de Steinbeck tout en partageant son café sucré qu’il touille, qu’il touille, qu’il touille, sans répondre du destin de ses prestations primaires.

Le déroulement compact des vacances s’agrémente, de surcroît, des résultats produits par le doute existentiel. Nombre de tableaux, peints à toute allure entre sommeils, visites et sorties récréatives, suggèrent à Fausto l’étalement d’une inconsistante légèreté... Certes, le manque de recul réflexif durant ces périodes turbulentes, prive le peintre de ses habituels critères de jugement qui facilitent d’ordinaire la rapidité d’acceptation ou de refus de l’œuvre effectuée. Cependant, les toiles, peintes pendant ses congés, ne déméritent en rien face aux comparaisons. Il le sait, d’ailleurs, le futé! Car, dans le cas contraire, tant de fois observé, il n’hésitera jamais à effacer une peinture qu’il déprécierait ultérieurement.
Ces périodes saisonnières d’été comprennent les thèmes que Fausto traite avec l’humanité transgressive qu’on lui connaît depuis toujours: Cabeza de Vieja, Niña del Pié, Escorzo,  Los Novios, Mujer en Rosa, Dos Rojos, Mujer Sentada *Titres : Tête de vieille femme, Fillette au pied, Raccourci, Les mariés, Femme en rose, Deux rouges, Femme assise.. Comme si, d’une part, la signifiance de ses rébellions internes permettait l’adéquation de sa personnalité à l’ordre sociétal et que, d’autre part, la force artistique résidait dans la lente progression du savoir-faire.

Apprendre à mieux faire


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