Evocations... Mon mari, Fausto Olivares, peintre.


Françoise Gérardin
Chapitre 12 : 1967

Aventure de la paternité

Si le début de 1967 n’annonce pas pour Fausto un apogée dans le cours de sa carrière, il représente une des étapes les plus propres à signifier le sens aléatoire d’une progression humaine et sociale.
En effet, l’entourage familial que la proximité géographique cimente et raffermit, contribue à l’épanouissement de ce jeune homme qu’une situation stable tranquillise momentanément et dont le fils qui par sa naissance bénéficie d’une double nationalité, l’aidera à structurer ses ambitions vers l’extérieur du pays.
Le flambant professeur jouit pleinement d’une conjoncture historique généralisée par l’avancée de l’Espagne vers l’Europe communautaire que les Espagnols observent avec leur forme acide de curiosité bienveillante. Les prisons et les gardes civils font l’objet de sarcasmes les ridiculisant et quoique les craintes de l’autorité façonnent encore le comportement de chaque individu, d’aucuns s’exercent à narguer l’attention policière qui semble se relâcher. On prend goût au bien-être et au progrès même si les groupes de plus de trois personnes sont interpellés dans les rues par des policiers qui demandent les cartes d’identité.
Peu à peu le matérialisme se matérialise.
Chacun désire devenir propriétaire de son chez-soi, travaille en vue d’acquérir une automobile, une machine à laver, une télévision ou, aux alentours des villes, une petite villa qu’avec emphase on dénomme « chalet » - prononcé tchallé, « un charlé » ironisera Cerezo pour accentuer l’importance, vaine à ses yeux, des nouvelles acquisitions empruntées à des gallicismes populaires. Un grand nombre de parents sacrifient leurs moyens aux études des enfants avec, en plus, le projet d’envoyer ces derniers en Angleterre apprendre la langue de l’avenir !

Et si l’on soutient encore le généralissime Franco, ce n’est justement plus que pour le soutenir, alors que s’affûtent les armes démocratiques…
Des idées progressistes s’infiltrent dans les conversations en suivant l’exemple de la chaîne de télévision qui aère ses programmes avec toutes sortes d’offres commerciales modernes. On croit donc entrer dans le monde ouvert de la permissivité européenne dont on critique d’autre part le manque de fermeté et le libertinage inadmissible.
Et comme Fausto clame ouvertement son attachement à la France et à la liberté d’expression, il indispose certains secteurs de la société au sein de sa ville natale où il personnifie, par les thèmes et la manière de les exécuter, une sorte de révolution artistique à peine tolérée.

On ne comprend pas bien, mais on commente le sens de ses intentions picturales et le jamais vu de ses interprétations dont l’érotisme suggéré dérange plus que les paysages qu’on a l’habitude de juger au cours des expositions ordinaires. Mais, ne manquant pas de défenseurs parmi ses compagnons et ses élèves, il fait face aux insinuations destructrices et montre ses capacités de pédagogue apprécié de tous. D’ailleurs, n’est-il pas entré dans l’administration éducative du gouvernement franquiste ? Fausto fonctionnaire. Cela rassure. Fausto, ami de ses élèves et assidu des conversations tavernières… Fausto attentif à sa famille. Fausto rangé, inséré, envié… Il obtient le permis de conduire.


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