La fin des études supérieures envoie Fausto sous les drapeaux pour la troisième année consécutive selon la règle de l’époque concernant les sous-officiersSous-officiers : alférez.. Dès son départ pour les Îles CanariesPalma de Gran Canaria, Santa Cruz de Tenerife., dans le train lent aux banquettes en bois, dans le port de Cadix et les salles d’attente, sur le bateau où plusieurs appelés bénévoles posent sous son regard affûté, il dessine comme il respire et plus qu’il ne mange.
La caserne contient de sombres surprises mais permet également des actions artistiques qu’il faut saisir au vol. Ses talents, assez vite perçus, donnent à Fausto l’occasion de les développer sur place : des nature mortes, quelques portraits, la femme du commandant, la fille d’un officier et autres parentes ou amies de ceux-ci, éparpillées sur les plages tièdes et volcaniques de l’île. Fausto travaille en vue d’une exposition, encouragé par ses supérieurs. L’un d’eux, le capitaine de cavalerie, Joaquín Caridad, lui-même peintre amateur de chevaux, va l’épauler au moment d’accrocher ses tableaux en 1964.
Les sorties – nombreuses - le whisky et le tabac - très bon marché - soutiennent les conversations internationales de ces lieux presque sauvages que délimite l’exploitation naissante du tourisme anglais et allemand.
Le carnaval des Î&les produit un choc émotionnel chez Fausto, car, sur le continent ibérique, les manifestations carnavalesques sont interdites.
Le carnaval, il le découvre, il le vit, il le peint, il le pressure, enfin, comme un citron sur du beurre noir ! Il l’expose aussi, entre les natures mortes de fruits exotiques qui l’impressionnent, les portraits de natives et d’étrangères dont ceux de Neomi, Margo, Laura et les scènes de combats de coqs, singulièrement admis dans les Iles : les tons ocres, jaunes de Naples, terre de Sienne, vermillons, blanc pur et les évolutions cadencées de gestes aux accentuations goyesques enserrent l’incubation des futures mouvances extra-formes faustiennes.
Ses dernières obligations militaires accomplies cette fois à Ténérife, il laisse à regret Magoya, une amie très attachante.
De retour sur le continent et le diplôme de professeur des Beaux-Arts obtenu, quelques mois de sérénité à Jaén, chez ses parents, seront indispensables à la réalisation du projet si souvent évoqué par Fausto : se rendre à Paris afin d’y parfaire ses connaissances. En attendant de réunir les papiers officiels et un peu d’économies, il façonne le portrait de quelques proches -son père, sa mère, Maribel sa sœur de quatorze ans. Tableaux qui déconcertent par l’attitude académique des postures et par l’opacité pâteuse des coups de pinceaux. L’ensemble, plutôt guindé, explique probablement un coup de frein sur la chaussée glissante d’une ville en léthargie qui, peu encline à suivre les évolutions de la modernité, juge celles-ci trop déviantes pour en encourager la circulation.
Néanmoins, l’autoportrait (le seul) que Fausto brosse avec énergie à la même époque, avive par ses teintes de prédilection - ocres, terre de Sienne, blancs décisifs - une image sans concession de ses vingt-quatre ans.