Evocations... Mon mari, Fausto Olivares, peintre.


Françoise Gérardin
Chapitre 15 : 1967

Travaux de vacances

L’été roule vers la Lorraine où ses vacances mouvementées n’empêcheront pas Fausto d’accrocher, jusqu’en septembre, la production d’une trentaine d’œuvres sur les murs intérieurs de la ferme, près de l’habitation où son fils patauge allègrement au soleil dans une bassine galvanisée.
Parmi ces travaux le portrait – inachevé - de son beau-frère Jean-Marie et un autre de sa belle-sœur Réjane. Celle-ci, lui laissant toute liberté d’interprétation, découvre ses propres traits dans une composition vivement expressionniste qui l’enchante. Le tableau provoque une déférence toute nouvelle.
Aux yeux de son beau-père, Fausto n’est plus seulement l’accro des chansons coquines ou des livres grivois, ni le créateur de scènes scabreuses ! Quant à ses exécutions spontanées elles surprennent d’autant plus que le peintre ne modifie en rien son attitude humble et silencieuse face aux congratulations ; au contraire, partant du principe que si une œuvre plaît immédiatement et à tout le monde c’est qu’il n’a pas obtenu la qualité vers laquelle il tendait en la peignant, il mesure toujours, avec défiance envers lui-même, les félicitations empressées d’autrui.

Les trajets entre Paris, l’Allemagne et la Lorraine animent les vacances besogneuses qui s’agrémentent aussi des visites de ses frères Ceferino et José installés à Paris. Et quoique la santé précaire de son beau-père inquiète l’entourage familial, la fin des vacances estivales embarque à nouveau Fausto, femme et fils, sous la bâche protectrice de la deux-chevaux toujours gaillarde vers les routes du Sud. Les œuvres, en cette odeur de sainteté si caractéristique aux tableaux récents, dispersent leurs effluves comme si, entassées dans le coffre, elles respiraient : Ultimos deseos, Parodia del muñeco, La batalla, En el balcón, Por Sevillanas, Tercera edad, El sostén, Soledad*Derniers désirs, Parodie de poupée, La bataille, Sur le balcon, Sevillana (danse), Troisième âge, Le soutien- gorge, Solitude. L’ensemble de ces peintures s’éclaircit d’une pigmentation lunaire dont les gris bleutés, les ombres dorées et les bruns noircis s’adaptent avec précision à leurs émouvantes silhouettes. Souvent extraites du papier par un seul coup de chiffon, à la manière d’un époussetage en profondeur, les faces brouillées et les lignes identifiant l’humain qui s’y inscrit, démontrent une désinvolture apparente et peut-être intentionnelle envers le volume et la perspective.
Cependant il émane de ces tableaux une lumière initiale qui perpétuerait la lueur du Premier Jour parcourant les ombres humides de la Création.


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